Cette exposition est composée d’une soixantaine d’affiches issues du fonds documentaire de l’association.
Après le génocide de 1915, les Arméniens rescapés d’Anatolie ont été contraints de fuir leur patrie ancestrale pour s’établir au Moyen Orient, en Europe ou aux Amériques.
Marseille, en tant que port de la Méditerranée, a toujours été un lieu de transit pour les réfugiés qui souhaitaient s’installer en France ou émigrer vers d’autres destinations.
Beaucoup d’entre eux décidèrent de rester à Marseille et ses alentours et, petit à petit, essayèrent de reconstituer leur communauté traditionnelle à travers trois piliers fondamentaux : l’Eglise, les partis politiques et les associations compatriotiques qui organisaient de nombreuse manifestations culturelles, sportives ou caritatives.
En parallèle, le maintien de la langue arménienne fut assuré par la mise en place d’écoles animées par des bénévoles et par le développement de l’édition.
La collection d’affiches d’ARAM témoigne de l’installation, de l’évolution et de l’intégration sociale de la communauté arménienne dans son pays d’accueil, du début à la fin du 20e siècle.
Exposition « 1927-2000 : les affiches arméniennes à Marseille »
Description
En 1907, les Arméniens de l’Empire Ottoman ont l’espoir que la Constitution promulguée par le Sultan Abdul Hamid, sous la pression des puissances occidentales, sera le début d’une ère nouvelle et que cesseront les persécutions endurées depuis des siècles.
Mais le texte restera lettre morte avec l’arrivée au pouvoir des Jeunes Turcs du Comité Union et Progrès (CUP) en 1908.
Se présentant au départ comme un mouvement progressiste, la direction du parti élabore en secret une idéologie raciste, le panturquisme qui vise à réunir dans le même espace géographique continu, les populations d’origine turque ou turquifiées des Balkans à la Chine.
Les Arméniens, peuple autochtone indo-européen et chrétien, représentent un obstacle majeur à ce projet.
En profitant du chaos engendré par la 1ère Guerre Mondiale, le CUP planifie en 1915 l’anéantissement du peuple arménien avec pour conséquence la mort de 1,5 millions d’individus, soit 2/3 de la population. Le génocide des Arméniens met fin à la présence trois fois millénaire d’un peuple sur ses terres historiques.
Les survivants prennent le chemin de l’exil et Marseille sera le port d’arrivée de ceux qui ont choisi la France pour terre d’accueil.
Ils réapprennent à vivre coûte que coûte dans des camps de réfugiés, puis ils se regroupent dans certains quartiers périphériques de la ville où ils tentent de recréer la vie au village « d’avant » la Grande Catastrophe.
Ce retour à la vie va s’articuler autour de trois piliers : l’Eglise, les partis politiques et les associations compatriotiques qui organisent de nombreuses manifestations culturelles, sportives ou caritatives.
Des organes de presse en langue arménienne voient le jour et en parallèle, l’affichage prend le relais sur les murs pour que la communauté reste au contact des activités qui rythment désormais le quotidien.
D’abord à usage « interne » les premières affiches reprennent les canons esthétiques en vigueur dans l’Empire ottoman et sont rédigées exclusivement en arménien jusqu’à la fin de la 2e Guerre Mondiale.
Avec l’intégration progressive des enfants des premiers réfugiés, le bilinguisme fait son apparition et désormais ce sont les Marseillais qui sont informés sur la culture, l’identité et les revendications de cette communauté réputée discrète et laborieuse qui reçoit d’ailleurs le soutien des figures politiques de l’époque.
Les affiches des années 60 témoignent du dynamisme des organisations communautaires qui se mobilisent, comme dans toute la diaspora, pour faire du cinquantenaire du génocide en 1965 un tournant historique dans la lutte du peuple arménien contre la négation et l’oubli.
10 ans plus tard, devant le cynisme et le mépris de la Turquie et de la communauté internationale, de jeunes Arméniens font le choix de la lutte armée. L’affiche prend le relais dans la rue de manière tout aussi percutante pour mobiliser l’opinion et soutenir les prisonniers politiques.
Cette stratégie radicale que l’on appelle aussi « terrorisme publicitaire » qui n’est rien d’autre que l’ardeur du désespoir, va déclencher le processus de prise en compte des revendications arméniennes auprès des Gouvernements et des institutions internationales.
Ces succès politiques et médiatiques vont provoquer un sursaut identitaire auprès de la 3e génération qui cherche à se réapproprier sa langue et sa culture, un véritable paradoxe lorsque l’on constate que la langue arménienne a disparu de la composition des affiches.
Les dernières décennies du 20e siècle, voient trois évènements majeurs qui vont bouleverser la communauté arménienne : le tremblement de terre de 1988, la guerre de libération des Arméniens du Haut-Karabakh et l’indépendance de l’Arménie.
Les échanges entre la diaspora et la Mère Patrie se multiplient et les affiches sont à la fois les témoins et les vecteurs de cette nouvelle donne. Elle vise à concilier, parfois difficilement, les spécificités locales, les intérêts supérieurs de la République d’Arménie et les exigences de justice et de réparation que le peuple arménien, dans son ensemble, attend toujours de la Turquie…