Soleil d’Automne
Or, le drame naît du fait que ce lieu n’est ni inentamé, ni vierge. L’industrie, la technologie, disons la modernité avec sa formidable machine dévastatrice ont déjà lentement commencé leur travail de destruction. Il suffit de lire « Le Seigneur » (1980) qui fut également porté à l’écran, pour voir les effets pervers et corrupteurs de la modernité. Si on perçoit encore la puissance exaltante de ce lieu essentiel, c’est à travers la grille des indices de sa désagrégation. Comme si une catastrophe, tout en laissant préservé le lieu, par magie, l’avait pourtant défiguré. Et, quel que soit le nom qu’on lui donne, la catastrophe avait pourtant bien eu lieu.
Ce drame se trouve au centre de la plupart de ses récits dont « Soleil d’Automne » représente le modèle. Il s’articule autour du voyage que prépare Aghoune, une paysanne de Tsemakout, pour rendre visite à son fils devenu journaliste à Erévan. Le récit privilégie les moments précédant immédiatement le départ d’Aghoune qui emporte avec elle une quantité considérable de victuailles et produits alimentaires, rares ou trop chers en ville. Cette concentration de l’action contraste avec la truculence des détails qui confèrent au récit une dimension épique, une épaisseur de vérité assez exceptionnelle, voire déroutante à première vue. Orpheline, mariée jeune à un homme d’un village différent du sien et de ce fait « étrangère », condamnée à affronter les pressions et les haines de la belle-famille, Aghoune, tendre, frustrée d’amour et « emmerdeuse », se voit déjà vieillir d’autant plus rapidement que ses enfants, fascinés par la ville, la quittent. Le monologue nous restitue un tableau assez peu conformiste du monde paysan des années quarante et cinquante. Émergeant des souvenirs d’Aghoune, le passé revient par bribes ou fragments. Ainsi se trouve dessinée une société rurale composé de gens qu’on a dénommés « les nerfs de la terre », des « durs », dans tous les sens du mot, dont la Révolution bolchevique n’a pu transformer ni les moeurs, ni les valeurs et dont elle ne semble guère avoir amélioré le sort. C’est de ces durs, hommes et femmes endurcis dans la lutte pour la survie, que le romancier veut témoigner. J’emploie ce terme à dessein. Par delà Bagounts, Matevossian se rattache à la tradition « régionaliste» de la littérature arménienne dont les grands chantres ont été non seulement les Arméno-occidentaux comme Tlgadintsi, R. Zartarian ou Hamasdegh mais également les Arméno-orientaux dont Toumanian en premier. C’est d’ailleurs à l’un de ces derniers témoins, Hagop Mentsouri (1886-1978), que Matevossian consacre l’un de ses essais les plus riches et les plus émouvants.
Soleil d’automne
Informations sur le livre :
Année | 1994 |
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Nombre de pages | 376 |
Titre secondaire | Les Grandes Traductions |
Titre traduit | Achnan arev |
Editeur | Albin Michel |
Ville éditeur | Paris |
Edition | première |
Format du support | 23x15 |
Type de colume | Relié |
Numéro ISBN | 2-226-06662-4 |
Types de travail | |
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